Extrait de l’éditorial d’Albert Rivaud
dans L’Éducateur moderne (15 octobre 1952)
L’Éducateur Moderne paraît d’avril 1906 à juillet 1914. Collaborent à la revue : Roger Cousinet, Claparède, Decroly, Georges Demény, Adolphe Ferrière, Maria Montessori (un article en 1912), Gustave Le Bon… Ce premier numéro d’octobre 1952 reprend donc le titre. Pas d’ours, mais une publicité abondante avec des manteaux de fourrure en page 2 de couverture.
Notre enseignement tout entier est en état de crise : les ministres, les éducateurs qui, périodiquement, affirment le contraire, s’aveuglent sur un phénomène qui n’est pas propre à notre pays, mais dont toutes les nations du monde sont touchées également.
Cette crise tient surtout, me semble-t-il, du contraste entre les espérances que nos devanciers avaient fondées sur ce qu’ils appelaient la Science, et les résultats qu’ils en ont obtenus. Ils ont cru ou ils ont voulu croire que l’homme est à la veille de connaître le secret des choses, et qu’il peut, ayant tout compris et tout appris, se donner toute-puissance, bonheur et liberté. Ils ont admis que la vérité connue suffit à purifier les âmes, à faire tomber les rancunes et les haines, qu’elle rend superflues les églises et les patries et que, substituant aux contraintes de la force les avertissements librement acceptés de la raison, elle rend inutiles toutes les croyances qui avaient bercé nos aînés. […]
Vous connaissez la suite. Les vieux programmes craquant de toute part ; les notions éprouvées par l’expérience séculaire expulsées par les nouveautés du jour, les techniques envahissant l’école, ces réformes perpétuelles dont nous ne voyons jamais la fin. Mais aussi le bouleversement de toutes les valeurs morales et la douloureuse incapacité de nos enfants. Les meilleurs, les plus instruits constatant amèrement qu’ils ne savent rien faire d’utile, et que les parchemins dont ils étaient fiers ne leur permettent même pas de gagner leur pain. (…)
On ne peut enseigner que très peu de choses : ce que l’enseignement apporte, ce n’est pas la science toute faite, c’est la formation de l’esprit, les moyens de travailler, les éléments très simples du savoir. Nos programmes sont toujours trop vastes : tout ce que nous y ajoutons sans relâche tourne au détriment de l’éducation.[…]
Apprend-on dans les livres l’escrime, la gymnastique, l’équitation, la chirurgie, le dessin, la peinture, un art, un métier quel qu’il soit ? […]
… notre éducation qui veut tout dire blase prématurément nos élèves. Elle leur arrache le bien le plus nécessaire, le divin loisir. Elle tue parfois leur curiosité native, leur goût pour la vie et pour la beauté. Elle les éloigne à tout jamais, à force de commentaires et d’analyses, des chefs-d’œuvre du passé. Elle les dégoûte de lire et d’y prendre plaisir.
Et la critique de CF dans L’Éducateur n° 4 de novembre 1952, titrée : « Une nouvelle revue L’Éducateur Moderne ».
Nous venons d’en recevoir le N° 1.
D’abord elle n’a absolument de moderne que le nom. Et les pages de partie scolaire ressemblent comme des sœurs à celles de toutes les revues pédagogiques traditionnelles.
Et surtout nous demandons ce que signifie cette nouvelle revue, d’où elle vient, où elle va, quels intérêts elle se propose de défendre. Nous n’y voyons aucun nom connu, aucune firme. Et ce qui pourrait paraître comme une profession de foi ne nous apprend pas davantage si ce n’est ce petit paragraphe :
« Nous avons aussi quelques idées, et c’est pour les défendre que nous prenons place. La première est que rien de solide ne se bâtit sur le sectarisme et les préjugés (et là nous serions bien d’accord !) ; la seconde que l’embrigadement des intelligences dans les groupements et les partis est une des plaies de notre époque. Nous ne nous assujettirons à aucun. »
Nous serions étonnés qu’avec une si grande pauvreté dans le contenu, et avec tant d’imprécision dans la ligne cette revue puisse avoir quelque succès. CF. »
Célestin ! Le signataire, « Professeur à la Sorbonne – Membre de l’Institut », de l’éditorial cité ci-dessus, un inconnu ! Albert Rivaud n’est-il pas en train de réécrire le programme de Pétain « à la manière de » la démocratie chrétienne, comme tu as présenté ton programme à Pétain lui-même, en le lui écrivant « à la manière » du maître de Vichy, et donc d’Albert Rivaud ? Le ministre éphémère à Vichy, de l’Éducation Nationale, monarchiste et Maurrassien avéré, frappé d’indignité nationale à la Libération, cherche à sauver sa peau en prenant appui sur les dupes.