L'appel aux initiatives
Célestin Freinet, un éducateur pour notre temps
Michel Barré
Dans la logique du compagnonnage, le nouveau venu n'est pas traité en néophyte ayant tout à apprendre, il est accueilli comme une force neuve qui enrichit le groupe. Réduit à l'état de slogan, ce serait un simple procédé de manipulation des militants, mais il ne ferait pas longtemps illusion. Comme dans sa classe, Freinet sollicite les initiatives de chacun et, loin de se les approprier, il les publie avec la signature et souvent l'adresse de l'auteur.
Les apports concernent souvent des techniques d'appoint. Par exemple, pour illustrer les textes des enfants : Leroux et Coutelle (Sarthe) conseillent les clichés de carton découpé et de contreplaqué; un peu plus tard, Roulin (Sarthe également) propose le cliché de zinc. Leroux propose la construction du premier limographe, duplicateur à stencils, rudimentaire mais à la portée de tous.
Il s'agit aussi de conseils pédagogiques. Ainsi, en 1928, René Daniel montre comment renforcer l'expressivité des textes d'enfants (transcription de leurs exclamations, dialogue, reconstitution de la scène racontée en revivant gestes et paroles entendues, discussion collective autour du sujet), en un mot préférer la vie à la rédaction classique. Ballon (Indre-et-Loire) traite de l'organisation pratique de la classe.
Freinet n'opère pas un tri préalable entre ce qui est directement utilisable ou utopique. Le temps se chargera bien de faire le partage. C'est ainsi que certaines idées sont lancées très tôt qui ne trouveront que bien plus tard une application, souvent dans l'ignorance des premiers ballons d'essai. Dès 1929, Rousson (Gard) et Garnier (Isère) évoquent l'intérêt que représenterait un voyage chez les correspondants, pratique qui ne sera effective qu'après la guerre. La même année, Roger Lallemand suggère la création d'une monnaie intérieure à la classe, réinventée beaucoup plus tard par d'autres.