timbre freinet

 

lettre de Mme Bonart à un délégué ICEM ( école Rue Noire Nantes) 1965

Département

Centre   de Ressources International de  L’association  Amis de Freinet de Mayenne

Document trouvé, durant le travail de classement et d’archivage en avril 2015.

Ce document  a juste 50 ans

Lettre trouvée  dans    la couverture d’un journal scolaire  « Au pays de Jules Verne »

Journal solaire mensuel de la classe de CE1 de l’école de garçons de la rue Noire à Nantes

Date du journal : Novembre 1964

Numéro 2

3e année

gérante : Mme A Bonart

 

Avec cette lettre, une  feuille volante  dactylographie datée  de janvier 1965

« Au pays de Jules Verne, page 32 »

La page du Trésorier

Un livre de la bibliothèque de la classe-Dictionnaire en images-a disparu depuis plus d’un mois

L’élève qui l’a emporté sans permission, ne l’a pas rapporté.

La BT «  les pompiers de Paris » a  eu 2 pages arrachées

La BT «  histoire des armes de jet »  a eu une page arrachée

Un autre livre a une illustration découpée

C’est honteux de la part de Coopérateurs

Au lieu de pouvoir acheter de la peinture ou de la terre à modeler, il faudra remplacer les livres perdus ou abîmés.  C’est malin ! ,

Miguel JEAN, Trésorier

Pascal BERGEOT, Adjoint

 

LETTRE  ( écrite  à la main)

 

Nantes, le 9 avril 1965

 

Cher Monsieur,

 

L’arrivée de votre joli  livre de bibliothèque a été une surprise agréable. Je vous remercie vivement. J’aurais  voulu vous répondre plus tôt, mais il me fallait trouver le temps de rédiger une longue lettre, car je voulais vous raconter nos mésaventures, puisque vous vous intéressez à notre Coopérative.

Donc, plusieurs livres de la bibliothèque avaient disparu en janvier. J’avais soupçonné 2 ou 3 élèves, mais je n’avais aucune preuve. Les discussions en réunion de coopérative n’avaient rien apporté. Mais le vandalisme continuait, comme  les livres étaient comptés, « on » arrachait des pages contenant des images d’animaux. 8 pages arrachées dans un spécimen tout neuf reçu en février. Aucune preuve, aucune piste…

Je remarquais cependant qu’un élève prenait de moins en moins part à la vie de la classe, lui, qui dessinait si bien, ne faisait plus de dessin pour le journal. On aurait dit une petite momie…

Vers le 15 mars, je fis demander aux parents par écrit s’ils avaient lu la fameuse «  page 32 ». Tous répondent  affirmativement. Par hasard, je vois des pages arrachées et des images découpées dans la géographie de ma « petite momie ». J’appelle la maman qui me répond : « Découper des images, il ne fait que cela à la maison toute la journée ! Non je n’ai pas lu la page 32, j’ai répondu oui, pour qu’il ne soit pas puni, parce qu’il fallait répondre, mais je ne sais pas ce qu’elle contient… » Je la lui fais  lire, je lui montre la géographie, et le lendemain, elle me rapporte déchiquetés : l’imagier du Père Castor ( que j’avais appelé dictionnaire en images, 2 livres et 1 BT.

Elle me demande : «  pourquoi avez-vous attendu si longtemps pour les réclamer ? – Je les réclame depuis deux mois.

Le journal scolaire, on ne lit pas. Le père bat le petit quand il voit le journal, il lui dit : «  Tu ferais mieux de travailler au lieu de passer ton temps à des bêtises. »Ca ne nous intéresse pas : jour le plus chaud, le plus froid, les mouettes, les civelles. Les histoires ce ne sont que des bêtises. Et puis vous avez imprimé  que je buvais du Martini. Dans toute la France, on le sait etc…

- C’est faux, je n’ai jamais imprimé cela. Votre fils aîné était dans ma classe, il y a deux ans. Pourquoi avez-vous attendu deux ans pour me dire tout cela ?… »

 

Le Directeur  a pris ma défense. Le surlendemain, elle est venue me faire des excuses, payer une partie des dégâts et me remercier de n’avoir pas pris son gamin en grippe après tout ce qu’elle m’avait dit.

         Je  lui ai répondu que  je plaignais son enfant de tout mon cœur et que  c’était uniquement de la faute de son mari, si l’enfant ne faisait pas de progrès.

         … Vous auriez imaginé cela : quand je félicitais l’enfant parce qu’il avait souvent son nom dans le journal, le père tapait dessus .. ?

         Tout est rentré dans l’ordre, mais il faut redonner confiance au gosse.

         Vous allez peut-être voir Freinet à Brest. Racontez-lui cette histoire s’il a le temps de vous écouter. Je n’ai pas été trop découragée, car je suis sûre que c’est l’Ecole Moderne qui a raison.

         Amitiés  aux Congressistes : Freinet, Delbasty etc.  Bon travail

Bien cordialement

Andrée Bonart      Ecole de garçons Rue Noire 44- Nantes

 

 

Dans  cette couverture se trouve, à la fin,  la page 42  dactylographiée du journal Au pays de Jules Verne

 

La  page du maître

Qu’est ce qu’un journal scolaire ? C’est un journal écrit par des enfants, pour des enfants, leurs correspondants. Les titres sont forcément enfantins, sinon les enfants ne seraient plus des enfants

C’est une joie et un honneur d’avoir son nom dans le journal. Aussi, vous, les Parents, ne leur dites pas : « Vos textes ne sont que des bêtises » ou bien « Ton dessin est horrible ». Ce n’est pas vrai. Félicitez vos enfants quand leur travail  paraît dans le journal et encouragez-les. (…)

Le XXIe ( 21e) Congrès International de l’Ecole Moderne  se tiendra à Brest du 12 au 16 avril prochain.

L’enthousiasme des enfants, leur application à écrire leur textes, à les imprimer, à les illustrer, leur joie à expédier leurs journaux, à en recevoir d’amis lointains, sont pour les Educateurs de l’Ecole Moderne le meilleur soutien

 

Retranscription François Perdrial

Personnalité